Ok boomer, cause toujours !
« Génération fracassée ». C'est le livre choc dont tout le monde parle ces derniers temps. Un titre fracassant pour un ouvrage en forme de réquisitoire qui accuse sans détours toute une génération. Alors, baby-boomers et autres soixante-huitards, faites vous discrets et arrêtez de vous la raconter, sachez que vous n'êtes plus désormais en odeur de sainteté auprès de la jeunesse. Enfin, c'est ce qu'affirme son auteur.
Il s'appelle Maxime Lledo, n'a que 22 ans et dit sa colère en publiant un essai qu'il sous-titre paradoxalement « Plaidoyer pour la jeunesse libre ». Un euphémisme pour enrober une accusation frontale. Car, au-delà d'une plaidoirie hautement justifiée pour défendre les siens, le jeune homme accuse directement toute une génération de les avoir enterrés, eux les jeunes. Et la période de confinement n'aura fait qu'exacerber un ressentiment déjà largement répandu, tout en creusant un abîme entre les deux tranches d'âge. Et de nommer l'ennemi : les vieux.
Afin d'enrayer les ravages causés par le Coronavirus et la mortalité qui s'est répandue dans les Ehpad, le Gouvernement aurait, selon notre homme, arbitrairement joué la carte des aînés dans une précipitation dépourvue de concertation : « Ces politiques, ces technocrates, ces sachants, ont fait le choix de mettre la jeunesse à genoux. Ils ont choisi de sauver les seniors pour mieux nous enterrer. Pas une seule fois, ils ne nous ont demandé notre avis. Pas une seule fois, ils ne sont excusés de ce qu'ils nous infligeaient et du mur de dettes qu'ils allaient nous laisser. Ils ont continué à faire de nous une jeunesse fracassée. ».
Derrière ses allures de fils de bonne famille, le jeune homme ne ressemble pas tout à fait à l'idée qu'on peut se faire d'un rebelle. Pourtant, l'étudiant en sciences politiques ne mâche pas ses mots pour exprimer les ressentiments qu'il nourrit à l'endroit des aînés. Sans doute avec raison, acquiesceront nombre de ceux-ci ! Après le Gouvernement, au tour des anciens d'en prendre pour leur grade : « Mais cela, la génération soixante-huitarde, celle qu'on a entendu et qui vocifère le plus fort contre nous n'en a pas dit un mot. Elle n'en a cure. Les soixante-huitards ont toujours tout osé du moment qu'ils s'en sortaient, ils ont ruiné économiquement, écologiquement, mentalement la France ».
On adore les étudiants quand ils font un service civique, quand ils remplissent des tâches importantes pour une rémunération déplorable, quand ils sont internes ou externes en médecine...
Après le réquisitoire, celui qui se défend d'être caricaturé comme faisant partie d'une génération « gavée à Netfix et aux jeux vidéo », dresse un constat : « Ce qui est frappant, c'est de voir à quel point le service public adore ses étudiants quand tout va bien... et les oublie dans l'adversité. Pour les petits boulots, oui ; quand ils sont dans la mouise, non. On adore les étudiants quand ils font un service civique, quand ils remplissent des tâches importantes pour une rémunération déplorable, quand ils sont internes ou externes en médecine, qu'ils sont payés une misère pour chaque garde effectuée, qu'ils sont vacataires et assument des responsabilités de salariés. On les oublie quand il s'agit de considérer leur perte d'emploi, ne reçoivent plus de sous, ne peuvent plus payer leur loyer, ont perdu leur promesse d'embauche ».
Dans un chapitre titré « Une crise pour les gâteux » (Si si, vous avez bien lu), l'auteur revient sur l'absence de débat : « À plusieurs moments durant cette pandémie, on a espéré que se tienne vraiment le débat sur la possibilité de confiner les plus de 60 ans ou les plus de 75 ans. Ces tranches d'âge représentent un quart de la population. Cette option a été ignorée, un débat semblait blasphématoire. Par conséquent, nous avons préféré confiner 67 millions de personnes. Pourquoi avons-nous confiné ? Pour qui avons-nous stoppé le pays ? Pour qui sommes-nous dans cette situation ? Pour sauver cette génération des plus de 60 ans ».
Histoire de bien mettre les points sur les i, mais sans toutefois dépasser les frontières de la subversion, cet ouvrage se veut volontairement frontal, corrosif, cinglant. Les titres de chapitres parlent d'eux-mêmes : « Une crise de nerfs », « Le pouvoir vieux », « Les tristes sires du monde d'après », « Nos libertés menacées », « Ne laissons pas la politique aux vieux »... Et, avouons-le, ce livre fera œuvre utile auprès des plus anciens, histoire de leur faire prendre conscience des griefs qui leur sont reprochés par les jeunes, par leurs enfants, par leurs petits enfants. Dont acte...
« Génération fracassée » de Maxime Lledo. Éditions Fayard.