La Bosnie-Herzégovine, mosaïque de différences

22/02/2021

En classant au patrimoine mondial de l'humanité la ville de Mostar et son célèbre pont, l'Unesco a contribué à faire connaître au monde entier un site au caractère architectural authentique et au-delà, un pays, la Bosnie-Herzégovine, dont les stigmates de la guerre sont encore visibles. Pour le voyageur, la découverte entre ces deux contrastes lui assène un incontestable choc.

Le pont de Mostar, détruit pendant la guerre, puis reconstruit.
Le pont de Mostar, détruit pendant la guerre, puis reconstruit.

A l'évidence, le voyage au cœur de ce pays de l'ex-Yougoslavie de Tito demande une approche non seulement touristique, mais aussi historique et politique... Tout commence au poste-frontière du corridor de Neum, sur la route de Dubrovnik en Croatie, en direction de Mostar et Sarajevo, où les autocars grand tourisme s'alignent pour un contrôle des identités qui n'a rien d'inopiné. Tout le monde y passe sans exception. Sous un ciel gris, de la même couleur que les préfabriqués métalliques qui bordent l'immense parking de béton, il est assez tôt dans la matinée. A priori, ça devrait aller vite. Normalement...

À bord des bus climatisés, des touristes en provenance de toute l'Europe, d'Asie - en grand nombre - et d'autres contrées sont fermement priés de rester à leur place et interdits de descente, comme de toute photographie d'ailleurs. Il règne une atmosphère de pays de l'Est, comme au temps où les contrôles tatillons étaient de mise aux différents check-point de feu le rideau de fer. Dans leur splendeur d'une ère yougoslave révolue, les douaniers ne pèchent pas par excès de précipitation en adoptant une lenteur désespérante au possible.

Trouvant la situation particulièrement absurde, les visiteurs ne manquent pas de s'interroger sur la pléthore de fonctionnaires qui auraient tout à gagner à les faire rentrer au plus vite dans le pays avec... leurs devises. C'est comme si le Ministère du tourisme local n'avait aucun moyen de faire entendre le sens de la raison et des intérêts à ses compatriotes. Le tarif minimun est le même pour tous : une bonne heure et demie d'attente. Le lendemain, des touristes espagnols attendront pendant près de trois heures et demie à la douane voisine du Monténégro.

Une république, une fédération, trois présidents, cent cinquante ministres

Curieusement, les guides se garderont d'accompagner la fronde en observant un mutisme de circonstance face aux railleries. Plus tard, l'heure des explications apprendra aux voyageurs que depuis l'entrée de la Croatie limitrophe dans l'Union européenne, les contrôles à ce poste frontière sont devenus plus rigoureux dans les deux sens, faisant dire à ces mêmes Croates : « Nous sommes devenus le rempart de l'Europe. Nous sommes votre nouvelle barrière avec les Balkans et ses migrants ».

Car l'épisode de la frontière est à l'image d'une Bosnie-Herzégovine qui ne sait plus à quel saint (au propre comme au figuré étant donné la concentration des « chapelles » sur le territoire) se vouer. Ici, chaque village, chaque quartier, quasiment chaque rue érige son église catholique, son clocher orthodoxe, son minaret, voire sa synagogue... et chacun se revendique d'une ethnie : on trouve les Serbes de Bosnie, les Croates de Bosnie, les Bosniaques (musulmans) de Bosnie, les Serbo-Croates de Bosnie, les Bosniens de Bosnie...

Depuis 1995 et la fin des conflits, le pays est principalement constitué de deux catégories politiques majeures, se répartissant à 51 % entre la Fédération (Bosniaques et Croates) et à 49 % avec la République serbe de Bosnie (Serbes). Chacune de ces deux entités dispose de son armée, sa police, sa justice, son système éducatif. Et même son propre alphabet, puisque les Serbes s'appuient sur l'alphabet cyrillique tandis que Bosniaques et Croates utilisent l'alphabet latin. Apothéose de cette énumération, ça donne rien de moins que trois présidents, quatorze gouvernements, cent cinquante ministres, etc. Ce qui fait dire à certains autochtones qu'ils disposent « de la plus grande administration du monde »...