Jérusalem, ville millénaire et ambiance cosmopolite
Rien qu'à la lecture du mot inscrit sur fond vert, l'estomac se noue d'émotion. Première vision signifiée en toutes lettres : Jérusalem. Impossible de feindre l'indifférence, cet endroit est unique au monde et le mot s'imprime dans la rétine : on y est ! Même l'agnostique le plus hermétique sent qu'une découverte en terre inconnue s'ouvre à lui.
Correspondance d'Israël. - Passé le panneau indicateur, en direction de la porte de Jaffa et du terminus du Central bus station, la réalité saute aux yeux, les quartiers populaires se sont repliés en périphérie avec leurs immeubles noircis par la pollution urbaine, les façades hérissées de paraboles et de climatiseurs, le linge aux fenêtres, l'enchevêtrement de fils électriques. Dans la rue, le trafic ressemble à celui de toute agglomération tentaculaire de quelque 760 000 habitants : klaxons, pétarades, autos, motos, vélos, cars, taxis... En bref, on dirait le Sud, comme le chantonnait le Nino chanteur. D'autant qu'en cette fin octobre, le thermomètre franchit les trente degrés et que le soleil culmine à son zénith.
Arrêt du bus, tout le monde descend ! Ici, la gare routière se situe bizarrement dans le parking souterrain d'un immense centre commercial. Pour entrer et sortir, il faut prendre les escalators, sillonner une galerie marchande, fendre l'énorme foule des clients, passer la fouille d'agents de sûreté en armes, se délester de son bagage sur un tapis roulant, franchir un portique... Dans tout le pays, la sécurité s'accepte au point qu'elle ne fait l'objet d'aucune contestation. On la subit à l'entrée des villes, des gares, des hôtels, de certaines grandes boutiques, un peu partout, plus rarement de façon aléatoire. Paradoxalement et au bout d'un temps d'adaptation, l'étranger finit par s'y habituer.
Sorti de la station, le visiteur n'a qu'une hâte : entrer dans le vif du sujet en s'offrant la visite du centre-ville, là ou se découvre le poids de l'histoire, des cultures, des religions. À l'intérieur de la vieille cité et après avoir franchi l'une des sept portes de la muraille du XVIe siècle, il n'aura plus à se méfier de la circulation automobile puisqu'elle y est prohibée. Dans un mouchoir de poche de quelques kilomètres carrés, la ville sainte va lui offrir toute sa diversité, à travers quatre quartiers pour autant de religions. S'y trouvent les communautés juives, musulmanes, chrétiennes et arméniennes. Ville des religions, des pèlerins mais aussi des touristes, Jérusalem est déroutante avec ses pratiquants qui vivent et prient quasiment côte à côte dans une proximité bouillonnante. Nulle part ailleurs qu'ici, ils ne peuvent partager le même air dans un tel voisinage... serré, subi, accepté.
Plus de 250 monuments au cœur de la ville sainte
On se côtoie mais on ne se mélange pas. Car si les religions cohabitent sur le terrain, ce n'est pas toujours dans la concorde. À dialoguer avec les uns ou les autres - ce que parvient à faire l'interlocuteur neutre - on peut l'entendre en poussant la discussion. Et puis, il y a les faits tangibles avec ces échauffourées des derniers jours au Mont du Temple mettant en scène des manifestants arabes, ces roquettes tirées il y a deux semaines à partir de la bande de Gaza sur le sud d'Israël, ce drone « ennemi » récemment abattu par Tsahal à l'intérieur de l'espace aérien...
À tout cela, le visiteur n'y verra goutte, lui qui passe allègrement d'un quartier à l'autre, rencontrant des Hiérosolymitains (habitants de la cité) très bien disposés à son égard, quelle que soit leur confession. Il n'aura jamais de problème à quêter sa route et rencontrera toujours un gamin prêt à lui montrer son chemin en le précédant.
Accepter de s'égarer pour mieux apprécier l'instant demeure donc la meilleure - ou seule - façon de visiter. Inutile de quadriller par secteur son itinéraire, le résultat ne sera jamais à la hauteur de la recherche : la vieille ville est un véritable labyrinthe. On marche dans un quartier déterminé à la recherche d'un lieu, carte à la main, et on se retrouve tout à coup dans un autre, sans même s'en apercevoir. Pas moyen de s'en tenir à un plan de bord, sauf à s'offrir un guide pour la visite. Alors, contre mauvaise fortune bon cœur, en avant pour la découverte du monument le plus proche. La ville sainte en répertorie plus de 250, une véritable mine, un trésor inestimable, un rêve.
La vie déborde d'activité et de mouvement, c'est un tourbillon perpétuel.
Il faut donc procéder par conviction, par intuition, par hasard... Sans occulter ceux dont on parle le plus à juste raison : le Dôme du Rocher (troisième lieu saint après La Mecque et Médine) avec son toit en or véritable et ses ornements géométriques ; le Mur des lamentations et son extension dans la grotte attenante (réservée à la prière des seuls hommes, dont les orthodoxes) ; l'Eglise du Saint-Sépulcre où repose le tombeau du Christ ; la Tour de David et son ensemble de fortifications ; la Via Dolorosa et son chemin de croix ; le Mont des Oliviers et sa vue exceptionnelle sur la ville blanche de Jérusalem...
D'un quartier à l'autre, on change de monde et d'époque. Les contrastes sont saisissants : rues propres et entretenues pour les uns, joyeux désordre pour les autres ; chemise blanche et pantalon noir pour les juifs, tenue décontractée pour les arabes. On rencontre aussi beaucoup d'orthodoxes tout de sombre vêtu avec chapeau et veste noire, mais aussi des hommes et des femmes militaires, avec ou sans armes, ou encore de nombreux collégiens et collégiennes en uniforme d'écoliers. La vie déborde d'activité et de mouvement, c'est un tourbillon perpétuel. Dans une telle ambiance, le visiteur évolue en toute sérénité, jamais il ne se sent en insécurité. À aucun moment, on ne l'importune ; même dans le souk, réputé pour être un royaume du marchandage, le vendeur ne se fait jamais insistant.
Fascinante et envoûtante, Jérusalem vaut assurément plus qu'un détour de deux jours...