Au château de Brézé, une vie sous la terre

Situé dans la commune de Bellevigne-les-Châteaux, ville nouvelle de 3400 âmes réunissant Brézé, Chacé et Saint-Cyr-en-Bourg, le château de Brézé dévoile un habitat troglodytique aussi vaste que la surface visible du domaine. Déroutante avec ses deux niveaux de conception, la forteresse serait considérée comme l'une des plus rares de ce type en Europe.

De facture classique, avec son architecture alternant entre le style Renaissance et le style néogothique, ce château peut se revendiquer d'un genre répandu sur ces terres du Val de Loire riches en monuments classés... Face à une entrée surmontée en son centre par une tour crénelée et des gargouilles, flanquée de deux tours coniques à ses angles, l'édifice ne révèle pas tout de suite sa particularité qui est celle de posséder d'impressionnantes douves sèches d'ample profondeur. Il faut se présenter sur le pont-levis pour être frappé par les dimensions de ce fossé qui ceinture le bâtiment sur tout son périmètre, ne laissant aucune possibilité d'intrusion.

Une fois la voûte de la porte d'entrée franchie, la cour gravillonnée et enherbée à la français procure une vue sur la structure en U du domaine. Sur le côté gauche, l'aile centrale se laisse admirer avec ses sept arches surmontées par autant de grandes ouvertures ; en face, l'aile privée, reconnaissable à son escalier à double volée, présente des décors d'inspiration antique, tels que des pilastres cannelés et des colonnes en marbre rouge encadrant la porte d'entrée ; à droite, le regard plonge sur le monumental mur d'enceinte en tuffeau, puis se perd sur la vaste étendue de la campagne environnante.

Bâti entre les XIe et XIXe siècles au centre d'un vignoble de plusieurs dizaines d'hectares, le château a appartenu à la puissante famille des Dreux-Brézé pendant des siècles, avant d'être transmis par mariage à la famille de Colbert, descendante du fameux ministre des finances de Louis XIV. Ce domaine, reste aujourd'hui la propriété du comte et de la comtesse de Colbert... À partir de 1560, l'ancien château fort est remplacé par une demeure plus élégante dans le style Renaissance. Au XIXe siècle, le château sera profondément remanié par la famille Dreux-Brézé qui fait prolonger l'aile privée.

Pour autant, rien ne laisse deviner que le monument dissimule un tel refuge au cœur de ses entrailles... si ce n'est ces discrètes inscriptions destinées aux visiteurs : « Réseaux souterrains » et « Habitat troglodytique ». Là, une modeste porte en bois s'entrouvre pour une visite extraordinaire, celle d'un château sous le château, : c'est la singularité de Brézé qui abrite de nombreuses galeries souterraines. À partir de ses douves de 18 mètres de profondeur pour 10 mètres de largeur, un réseau de 28 000 m2 de cavités et de tunnels creusés dans le tuffeau pouvaient abriter hommes, animaux, cuisines, celliers. C'est un voyage pour 1000 ans de vie sous terre qui se dévoile alors.

Attestée dès 1063, bien qu'une existence antérieure soit possible, le niveau initial situé à onze mètres de profondeur sous la cour d'honneur du château Renaissance constituait le premier château fort souterrain. Par une température constante de 12 degrés, des galeries creusées dans la pierre ne cesseront d'améliorer toute une distribution d'installations. Galerie de défense, chemins de ronde, pont-levis souterrain, postes de tirs et meurtrières, les éléments de fortifications tiennent une grande place et ont fait l'objet d'une grande ingéniosité. Au XVe siècle, les Maillé-Brézé obtenaient du Roi René de fortifier le domaine et d'y établir une garnison.

D'une douzaine de mètres de profondeur, on s'enfonce à hauteur des fossés pour atteindre une profondeur de 15 à 18 mètres. Des pièces inattendues furent creusées : magnanerie pour vers à soie, silos à grain, boulangerie troglodytique, four à pain, pressoir, escaliers, écuries... À l'époque, la Roche de Brézé fut un abri seigneurial troglodytique réparti autour d'un puits de lumière central permettant de se protéger à la fois des potentiels assaillants comme des intempéries. Vers le XVe siècle, il sera abandonné des hommes et transformé en cave desservant le château désormais bâti.